Répétées par des experts et des professionnels, certaines idées finissent par devenir des dogmes. L'un des exemples les plus courants est le ratio 55-38-7, souvent cité comme une vérité absolue en matière de communication.

Mais que se passe-t-il quand notre propre cerveau, guidé par le biais de confirmation, renforce nos croyances ?

Aujourd'hui, voyons comment notre perception et notre vision de la communication en matière de relation client a été altérée par une étude des années 1960, interprétée sous un angle simplifié. 

Le biais de confirmation : un filtre invisible

Le biais de confirmation, phénomène bien documenté en psychologie, agit comme un filtre sélectif sur notre perception. Il nous pousse à privilégier les informations qui confortent nos croyances préexistantes, tout en minimisant celles qui les contredisent.

Il va ainsi nous maintenir dans une zone de confort trompeuse, nous éloignant d'une remise en question pourtant nécessaire de nos pratiques.

Prenons l'exemple du ratio 55-38-7, omniprésent dans les formations et ouvrages sur la communication client depuis des décennies. Sa précision apparente et sa simplification confortable de la communication lui valent une acceptation immédiate tout en le rendant difficilement contestable à première vue.

Mais devons-nous nous y fier pour autant, au risque de compromettre la qualité de nos interactions avec les clients ?

Décoder les canaux de communication en relation client

Pour mieux comprendre l'influence du biais de confirmation sur notre perception, il est essentiel d'examiner les trois principaux canaux de communication qui jouent chacun un rôle distinct dans nos échanges.

 Ces dimensions, souvent étudiées séparément en formation, sont au cœur de l'impact global de notre communication :

  • Le non-verbal : Ce que je montre à travers mon corps, mes gestes, mes expressions faciales. C'est la manière dont j'occupe l'espace, et cela joue un rôle essentiel dans l’interprétation de mes intentions.
  • Le verbal : Ce que je dis, littéralement. Le choix des mots et la construction des phrases.
  • Le para-verbal : Comment je dis les choses. L'intonation, le volume, le rythme de ma voix, et même les silences que je marque.

La tentation est grande d'attribuer des pourcentages fixes à ces dimensions pour simplifier leur influence dans la communication globale. Mais cette approche résiste-t-elle à l'épreuve des situations réelles de relation client ?

Le Mythe du 55-38-7 : un carcan pour la relation client ?

Le ratio 55-38-7, largement répandu, suggère une répartition précise de l'impact communicationnel : 55% pour le non-verbal, 38% pour le para-verbal, et seulement 7% pour le verbal. Cette distribution, séduisante par sa simplicité, soulève pourtant des questions cruciales dans le contexte de la relation client.

L'exemple révélateur de la réclamation en face à face

Imaginons un client mécontent qui se présente pour formuler une réclamation. Selon le fameux ratio, l'agent devrait pouvoir désamorcer la situation en adoptant simplement une posture ouverte et un ton calme, ces éléments représentant théoriquement plus de 93% de l'impact communicationnel.

Pourtant, l'expérience montre qu'une reconnaissance verbale claire de la frustration du client est indispensable. Sans les mots justes, comment espérer apaiser et satisfaire un client en colère ?

L'étude Anderson : Le pouvoir insoupçonné des mots

La recherche menée par Anderson en 2011 apporte un éclairage nouveau, contredisant directement cette croyance dans le contexte de la relation client.

Son étude démontre que les agents utilisant des phrases empathiques et des expressions positives ont un impact mesurable et significatif sur l'engagement des clients :

  • Augmentation de 12% de la fidélité client
  • Amélioration de 15% des évaluations positives des services reçus

Ces résultats soulignent que le choix des mots lors des interactions joue un rôle crucial dans la relation client, bien au-delà des 7% avancés par le ratio traditionnel.

La Genèse d'un Mythe : Mehrabian et ses limites

Albert Mehrabian, à l'origine des études ayant conduit au fameux ratio dans les années 1960, n'a jamais prétendu que son ratio s'appliquait à toutes les formes de communication. Ses recherches portaient spécifiquement sur la transmission des émotions dans des situations où le message verbal et non verbal se contredisaient.

Plus important encore, Mehrabian lui-même a exprimé des réserves quant à l'usage abusif et à la généralisation de son ratio. Cette reconnaissance souligne la nécessité de prudence dans l'application de ce ratio, particulièrement dans des domaines aussi complexes que la relation client.

Les dangers d'une approche dogmatique en relation client

Une adhésion aveugle à ce principe simpliste peut entraîner des conséquences dans la formation et la pratique de la relation client.

Un déséquilibre des compétences peut s'installer, avec une survalorisation des aspects non verbaux et para-verbaux au détriment de compétences cruciales comme l'écoute active, la résolution de problèmes ou la maîtrise des produits.

Ce déséquilibre n'est pas sans risque pour la performance globale du service client avec le risque de détériorer des indicateurs clés de performance tels que la satisfaction client ou le taux de résolution au premier contact.

Pour éviter ces écueils, une approche équilibrée s'impose. La formation des agents devrait intégrer harmonieusement les aspects verbaux, non verbaux et para-verbaux, tout en prenant en compte les différentes typologies de profils clients. Cette approche doit également s'adapter aux spécificités des différents canaux de communication utilisés.

Orienter nos pratiques vers une approche holistique

Le biais de confirmation, en nous poussant à accepter des vérités simplifiées, peut compromettre l'efficacité de nos interactions avec les clients. Pour dépasser ce biais et développer une approche véritablement holistique, trois principes fondamentaux s'imposent :

  1. Objectivité et factualité : Baser nos pratiques sur des données concrètes et des études rigoureuses plutôt que sur des croyances populaires.
  2. Remise en question continue : Cultiver une attitude critique envers nos propres méthodes et être prêts à les ajuster en fonction des retours et des résultats observés.
  3. Adaptation contextuelle : Reconnaître la diversité des situations de communication client et adapter notre approche en conséquence, plutôt que d'appliquer une formule unique.

En adoptant ces principes, les entreprises peuvent construire des relations client plus authentiques et efficaces, fondées sur une compréhension nuancée des mécanismes de communication.

Pour conclure

Le mythe du 55-38-7 en relation client nous rappelle l'importance de rester critiques face aux dogmes, même lorsqu'ils sont largement acceptés. En combinant rigueur scientifique, expérience pratique et ouverture d'esprit, nous pouvons développer des approches de communication client plus nuancées et efficaces.

L'avenir de la relation client réside dans notre capacité à dépasser les formules toutes faites pour embrasser la complexité et la richesse des interactions humaines. C'est en questionnant nos certitudes que nous pourrons véritablement innover et exceller dans l'art de la communication client.