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1. Introduction – Quand le client ne dit plus rien…

À l’heure où l’expérience client devient un facteur de différenciation majeur, les entreprises s’échinent à recueillir avis, notations et feedbacks à chaud pour corriger, ajuster et fidéliser. Pourtant, une forme d’expression reste souvent sous-estimée, voire ignorée : le silence.

Et c’est précisément ce silence, ce "non-dit" relationnel, qui peut être le plus dangereux. Une étude réalisée par ThinkJar indique que 91 % des clients insatisfaits quittent une marque sans se plaindre. Ils ne remplissent pas les formulaires de satisfaction. Ils ne répondent pas aux enquêtes. Ils s’éloignent, en silence.

Pourquoi ? Parce que dans un monde d’interactions multiples, le client n’a plus toujours l’énergie ou l’envie de verbaliser son insatisfaction. Il attend qu’on le devine. Il attend qu’on le comprenne autrement. Et c’est là tout le défi.

2. Partie 1 – Le silence client vu du terrain : l’expérience tête-à-tête

Par Benjamin CORMERAIS, Directeur Général

L’insatisfaction cachée : plus fréquente qu’on ne le croit

Chez tête-à-tête, nous savons que l’insatisfaction la plus dangereuse n’est pas celle qui crie, c’est celle qui se tait.

Dans nos centres de contact, nous avons appris que la parole du client ne suffit pas à évaluer son ressenti. Elle est souvent bridée par la fatigue, la politesse, ou le sentiment que “ça ne changera rien”. Ce sont alors des comportements plus subtils qui parlent pour lui : le ralentissement du rythme d’interaction, l’abandon progressif, un ton plus sec, une réponse plus tardive.

Par exemple, un client qui interagissait régulièrement avec nos équipes mais qui, sans explication, espace ses échanges ou refuse de participer aux enquêtes post-appels. Un autre qui continue à dire "oui" à tout, mais dont l'engagement s'effrite. Ce sont ces clients-là que nous redoutons le plus : les silencieux, les passifs, les distants.

L’écoute contextuelle : écouter autrement

C’est ce que nous appelons l’écoute contextuelle : ne pas écouter seulement les mots, mais aussi ce qui est absent, ce qui a changé. Cela suppose d’adopter une posture proactive, fondée sur l’observation fine des comportements.

Nos équipes sont formées à repérer ces signaux faibles : un changement de ton dans la voix, une réponse plus distante, une absence soudaine d’interactions… Mais au-delà de cette intuition précieuse, nous nous appuyons également sur l’analyse des parcours clients.

L’objectif est simple : identifier les moments où la relation s’effiloche. Grâce à cette approche, nous observons par exemple :

  • Quand un client cesse soudainement d’utiliser un service qu’il sollicitait régulièrement,
  • Quand il abandonne un parcours sur le site sans finaliser son action,
  • Ou lorsqu’il n’interagit plus avec les campagnes de communication, alors qu’il le faisait auparavant.

Ce type d’analyse révèle des ruptures de rythme, des incohérences ou des silences qui doivent alerter. Un client peut ne plus appeler, non pas parce qu’il est satisfait, mais parce qu’il n’attend plus rien. Il n’a pas le temps de formuler une réclamation, il se retire simplement, silencieusement.

Chez tête-à-tête, nous croisons ces données de parcours avec les ressentis exprimés lors des interactions humaines. Car si la donnée montre où ça coince, seul l’agent peut aller creuser pourquoi. C’est ce dialogue entre la technologie et l’intelligence émotionnelle qui nous permet de ne pas laisser filer les clients invisibles.

Former les conseillers à lire entre les lignes

Pour affiner cette sensibilité, nous avons mis en place des formations spécifiques à l’intelligence émotionnelle et situationnelle. Ces formations permettent aux conseillers de :

  • Mieux décoder les attitudes,
  • Adapter leur posture d’écoute active,
  • Et surtout, poser les bonnes questions.

Par exemple, lorsqu’un client donne une réponse brève ou distante, plutôt que d’enchaîner mécaniquement, le conseiller peut relancer avec tact :

  • "Est-ce que tout vous convient vraiment ?"
  • "Y a-t-il un point sur lequel on aurait pu mieux vous accompagner ?"

Des questions ouvertes, bienveillantes, qui autorisent le client à se livrer — ou, à défaut, permettent de capter qu’il ne se sent pas entendu.

Ne pas se fier qu’aux indicateurs à chaud

Beaucoup d’entreprises se contentent de leurs indicateurs à chaud : NPS (Net Promoter Score), CSAT (Customer Satisfaction Score), taux de réclamation.

Mais ces chiffres donnent une vision partielle. Un NPS à +40 peut masquer des poches d’insatisfaction silencieuse. Les clients qui mettent une note moyenne et qui ne s’expriment pas sont souvent ceux qui partiront les premiers.

Nous avons ainsi lancé un programme de recontact post-interaction sur les clients dits "neutres", qui ne laissent ni plainte ni éloge. Résultat ? Sur un panel de 300 clients, 23 % ont exprimé une frustration qui n’avait jamais été identifiée via les canaux habituels.

L’outil qui nous aide au quotidien dans cette démarche est KORTEO, développé avec l’institut d’études MOAÏ. Il permet un suivi fin et en temps réel des variations de satisfaction, et surtout une mise en alerte proactive des collaborateurs.

3. Partie 2 – Le silence client : faut-il en avoir peur ?

Par Noémie Evain, Directrice Conseil, MOAÏ

Quand l'absence de feedback devient un signal fort

Dans un monde où l'expérience client est au cœur des stratégies, le silence d'un client peut être plus éloquent qu'un avis négatif. Ces clients silencieux, qui ne se manifestent ni par des retours positifs ni négatifs, représentent un défi majeur pour les entreprises. Leur absence de feedback ne signifie pas nécessairement satisfaction ; elle peut masquer une insatisfaction latente, une désaffection progressive ou une perte d'engagement.

L’analyse RFM pour détecter l'insatisfaction chez les clients silencieux

Identifier les signaux faibles d'insatisfaction nécessite une approche proactive. L'analyse des données comportementales, telles que la diminution de la fréquence d'achat, la baisse du panier moyen ou une moindre interaction avec la marque, peut révéler des tendances préoccupantes. L'analyse RFM (Récence, Fréquence, Montant) est un outil précieux pour segmenter la clientèle et repérer les clients à risque de désengagement.

Les baromètres à froid : une écoute stratégique

Contrairement aux enquêtes à chaud, qui captent les réactions immédiates après une interaction, les baromètres à froid permettent une évaluation globale et pérenne de la satisfaction client. Ils offrent une vision complète en incluant l'ensemble du portefeuille client, y compris ceux qui n'ont pas récemment interagi avec la marque. Cette approche permet de mesurer des indicateurs clés tels que le NPS (Net Promoter Score) et le CSAT (Customer Satisfaction Score) sur un échantillon représentatif du portefeuille clients, détectant ainsi les insatisfactions latentes et les risques de churn.

Par exemple, pour un acteur de l’univers de l’assurance-mutuelle, l’analyse de notre baromètre à froid a mis en lumière une baisse de satisfaction globale sur un segment de clients historiquement fidèles — et ce, en l’absence de tout contact récent avec le service client ou de passage en agence. Cette vague d’enquêtes a permis à la mutuelle de lancer un plan d’actions de proactivité commerciale spécifique auprès de cette cible stratégique. Un plan d’actions global mais aussi des actions très ciblées s’adressant plus particulièrement aux sociétaires jusqu’alors silencieux, ayant accepté de lever l’anonymat de leur réponse.

Kortéo est une solution pour faire parler le silence

MOAÏ propose Kortéo, une plateforme de feedback management conçue pour faciliter la collecte, l'analyse et la diffusion des retours clients en temps réel. Collaborative et flexible, Kortéo permet une appropriation rapide des résultats par les équipes, favorisant ainsi une culture de l'écoute et de l'amélioration continue. En intégrant les données issues des baromètres à chaud mais aussi – dans notre cas - à froid, Kortéo aide à transformer le silence des clients en insights actionnables, renforçant ainsi la stratégie d'expérience client de l'entreprise.

4. Conclusion – Écouter les silences, agir avec intelligence

Le silence client n’est pas une fatalité. Il n’est ni absence ni indifférence : il est souvent le reflet discret d’un malaise, d’une attente insatisfaite ou d’un désengagement naissant. Et dans un univers où chaque interaction compte, ignorer ces silences revient à laisser filer des opportunités précieuses.

Pourtant, ce silence peut devenir un levier stratégique. À condition d’adopter une posture active, d’écouter au-delà des mots, de croiser l’intelligence humaine du terrain avec la puissance des données, et surtout de s’équiper des bons outils.

En combinant les savoir-faire :

  • des équipes de relation client formées à l’intelligence émotionnelle (comme chez tête-à-tête),
  • avec des dispositifs d’écoute stratégique à froid et des solutions comme Kortéo (proposée par MOAÏ),

…les entreprises peuvent :

  • détecter les signaux faibles d’insatisfaction,
  • agir avant qu’il ne soit trop tard,
  • et transformer le silence en opportunité d’amélioration continue et de fidélisation durable.

Dans un monde où tout le monde parle, ceux qui écoutent vraiment – y compris les silences – sont ceux qui bâtissent les expériences client les plus mémorables.

Quelques liens :

Quelques pages du site MOAÏ en complément :